1 - Quel lien le dispositif « Où atterrir ? » entretient-t-il avec les travaux du philosophe Bruno Latour ?
« Ou atterrir ? » est imprégné de ses travaux et s’inscrit dans la continuité de l’ouvrage du même nom : « Où atterrir ? ou comment s’orienter en politique ? ». Tout a commencé avec une expérimentation pilote menée entre 2019 et 2021 avec des artistes et des architectes qui ont créé ce dispositif ; celui que nous animons en ce moment-même à la Scène nationale.
Ce travail s’inspire de la grande théorie de « l’acteur réseau » portée par Bruno Labour : à savoir, percevoir la société comme une multiplicité d’associations, de médiums. Ici, nous nous efforçons d’associer différentes pratiques (arts, sciences, cartographique – disciplines associées à Sciences-Po et au master d’Expérimentation en Arts Politiques - SPEAP) pour inviter les participants à les faire atterrir dans les contraintes du nouveau régime climatique. Ensemble, nous tentons de régler, de solutionner de nouvelles situations politiques liées aux mutations climatiques.
2 - Cette année, une vingtaine de personnes ont décidé de mener leurs enquêtes personnelles ; pouvez-vous revenir sur la méthodologie d’action et nous dire où en sont ces enquêtes ?
L’objectif de cette expérimentation est de « revitaliser le cercle politique » : convoquer l’auto-description, partir d’une plainte ou d’une situation injuste face à laquelle le citoyen se sent impuissant. C’est un véritable travail d’enquête où nous convoquons l’auto-description (le nous) pour aller vers d’autres personnes (des ressources) ou encore pour faire d’autres rencontres. Cet « agrégement » permet à chacun de partager un « concernement » qui lui est propre.
Le concernement, la chose essentielle à votre existence dont vous avez appris que le maintient est menacé.
Ce dispositif nous invite à partir seul et proposer de déployer à plusieurs des moyens de résoudre les problèmes : augmenter la capacité d’action .
Si nous arrivons à épuiser nos capacités d’agir, il est possible de « doléancer » , faire une doléance auprès de responsables (État, mairies…). Celle-ci est baguée pour voir comment elle est transformée, située et comment elle aboutit (ou pas) ?
Mener une enquête permet de découvrir le territoire où nous vivons et celui où atterrir. C’est le « territoire dont on vit », une terre de dépendance et d’attachement non-représentée sur les cartes, qui ne respecte pas les frontières tracées.
3 - En quoi l’approche artistique permet-t-elle à chacun de mener sa propre enquête ?
L’approche artistique est essentielle ! Elle permet de rentrer en sensation, mobiliser son équipement sensoriel pour absorber des situations complexes et les métaboliser. Ainsi, le sensible aide à dépasser des états de sidération pour mieux comprendre les situations complexes dans lesquelles nous sommes enchevêtrés.
Se rendre sensible au territoire dont on dépend, en sortant de l’opinion ; c’est déjà tenter d’atterrir : s’ouvrir à un lieu de description ou de re-contextualisation pour re-territorialiser son terrain vie.
L’enquête est d’abord personnelle, pour ensuite nous permettre de découvrir que nous sommes reliés à des situations d’interdépendances, en lien avec d’autres acteurs, en lien avec les autres. Le sensible d’être traversé, de se (re)mettre en mouvement, d’agir différemment, de s’écouter et de s’exprimer différemment, sans opinion.
4 - On nous dit que vous continuez l’année prochaine… Parlez-nous de la suite : nous ne savons pas encore où atterrir ? les premiers résultats des enquêtes ont-ils suscité de nouvelles pistes d’atterrissage ?
Décrire, identifier, se poser c’est déjà atterrir !
Atterrir, c’est découvrir « le territoire dont on vit » et se redonner une capacité de mouvement pour s’orienter. C’est ce que nous avons découvert cette saison : la boussole est là, nous savons comment elle fonctionne, nous savons nous orienter sur notre territoire, interagir avec les autres... Nous avons donc eu l’envie de continuer l’exploration la saison prochaine.
Au programme de la saison 22-23 : Sortir ! Sortir des ateliers, sortir dehors pour s’agréger, rencontrer et raconter ce qui se passe. Nous pouvons désormais aller plus loin : arpenter le territoire, partir à la rencontre des autres pour avoir la capacité d’agir et enfin résoudre les enquêtes.
Désormais, la boussole est activée : les actions vont se mettre en place et la résolution des problèmes a déjà commencée !
Comment rejoindre l’expérimentation ?
Il faut être embarqué par le groupe, se relier entre bourgeons, être proche, éprouver une capacité d’attachement ! Atterrir avec les autres, créer de nouvelles alliances.
L’enquêteur-citoyen peut aussi inviter des personnes ressources sur son enquête, pour compléter la gamme d’actions et ainsi décupler sa puissance d’agir.
La saison prochaine nous passons de l’atterrissage à l’action, de la boussole de capacité d’action à celle des puissances d’agir.
Pour aller plus loin : À l’horizon 23/24, nous souhaitons composer des paysages sensibles à l’aide d’une plateforme collaborative créer avec les enquêteurs ; un bureau d’enquête numérique qui permettrait de raconter, cartographier, sourcer et relier les données.